Ce blog d’Ousmane Aly DIALLO,
fait partie de la série de Wikiprogress sur la Sécurité Personnelle. Il résume
les principaux points du récent Index
mondial de l’esclavage de la Fondation Walk Free, avec une emphase sur l’Afrique.
L’indice mondial de l’esclavage est un nouvel indicateur développé par
la Fondation australienne Walk Free. Cet index classe 160 pays du monde selon 3
facteurs : la prévalence estimée de l’esclavage moderne au sein de la
population, la mesure du taux de mariages précoces et une mesure de l’intensité
du trafic de personnes (doubles flux, entrant et sortant) des États. Le score
final est pondéré afin de refléter la première dimension de l’index : la
prévalence estimée de l’esclavage moderne au sein de la population (95%).
L’esclavage apparait souvent comme une relique du passé, une
institution qui nous rappelle les raids durant les siècles précédents, le
commerce transatlantique avant d’être récemment glamourisé dans les productions
hollywoodiennes. Mais la réalité est là, claire et nette : près de 30
millions de gens vivent dans des conditions d’esclavage moderne, allant de la
mendicité forcée à l’esclavage de classe héréditaire.
Des 10 pays du classement (ayant la plus forte prévalence de
populations sous condition d’esclavage), 5 sont d’Afrique : la Mauritanie (#1), le Benin (#7), la Côte d’Ivoire (#8), la Gambie (#9) et le Gabon (#10).
16.36% des 29.8 millions de gens sous condition d’esclavage viennent d’Afrique
subsaharienne, qui est l’endroit le plus probable du monde où on risque d’être
réduit dans cet état.
Le rapport définit l’esclavage
comme la possession et le contrôle d’une personne de façon à la priver
sensiblement de sa liberté individuelle dans l’intention de l’exploiter en l'utilisant, lui dictant sa conduite, en bénéficiant de ses aptitudes en la transfèrant contre son gré ou en l'éliminant tout simplement. Cette
exploitation se fait à travers la violence ou la menace de la violence, la
tromperie ou la contrainte. L’esclavage prend plusieurs formes en 2013 et peut
se manifester sous plusieurs noms. Le trafic humain, le travail forcé, les
conditions de travail similaires à l’esclavage (la servitude due à l’endettement,
mariage forcé ou servile, la vente ou l’exploitation des enfants, y inclus dans
les conflits armés), tous ces phénomènes se retrouvent dans la définition de
l’Indice Mondial de l’Esclavage.
La
Mauritanie a été classée première dans l’index pour ce qui est de la
prévalence de l’esclavage. Une grande partie de sa population (les abid et à un
degré moindre les Harratines, qui sont des populations noires avec une culture
arabo-berbère)
est privée de ses droits humanitaires naturels. Le rapport estime qu’entre
140,000 et 160,000 mauritaniens sur une population de 3.8 millions sont en état
d’esclavage. Dans ce classement, se
reflète également les forts taux de mariage précoces et de trafic de personnes.
L’esclavage y est surtout sous forme domestique et traditionnelle: des adultes
et des enfants sont la pleine propriété de maîtres qui exercent leur domination
sur eux et sur leurs descendants.
Le
Bénin est le second pays africain dans ce classement. Le travail domestique
informel – mettant à contribution les enfants- est sa forme dominante, comme
dans toute l’Afrique de l’Ouest. À travers le système du Vidomegon, des filles
aussi jeunes que sept ans, sont engagées comme travailleuses domestiques en
échange de gîte et de subsistance. Une autre institution traditionnelle, le
Vudusi ou « esclavage dans les temples », des jeunes filles sont
offertes en sacrifices dans les temples et forcées de prendre soin de ces lieux
tout au long de leur vie, en courant le risque d’être abusé sexuellement.
Le rapport montre en outre qu’il existe un trafic de femmes
et d’enfants à l’intérieur du Bénin, des zones rurales
aux villes, et même au sein des pays de la sous-région comme le Togo, le Nigeria, le Ghana, ou
la Côte d’Ivoire entre autres. La mise en œuvre d’un accord avec le Nigéria, soutenu par
l’Organisation internationale du Travail, constitue un grand pas vers
l’éradication de cette forme d’exploitation, souligne cependant le rapport.
À la 143e place, l’Ile Maurice est
l’État africain où il y a le moins de populations en état d’esclavage par
rapport à la population. Les estimation tournent autour de 510 à 560 pour une
population de 1,291,416 habitants. L’Ile met en œuvre également d’excellentes mesures
dans des domaines connexes comme la gouvernance, comme le montre le récent
Indice sur la gouvernance africaine, où elle est à la première place. L’Ile
Maurice mène pour ce qui est de la stabilité et de la production du droit
humain et celui des travailleurs, mais est derrière l’Afrique du Sud et le
Gabon pour ce qui est des politiques sur l’esclavage moderne.
La majeure partie des États africains avec un fort taux d’esclavage
interne ont dans leur système judiciaire, des lois qui rendent ces pratiques
illégales. L’esclavage a été reconnue officiellement en 1980 suite aux contestations du mouvement « El
Hor » (« L’Homme libe » en hassanya) et rendue illégale et
criminalisée encore une fois en 2007 par le premier gouvernement de la période
post-Taya. Mais les poursuites criminelles envers les contrevenants sont rares,
malgré l’existence de ces lois. Depuis la mise en œuvre de la dernière loi en
2007, et malgré le nombre important d’accusations des victimes envers leurs
abuseurs, seule une condamnation a eu lieu selon le rapport.
L’inexistence d’une unité de justice ayant pour but l’application
des dispositions de cette loi et le manque de données étatiques solides sur
cette pratique constituent les principaux obstacles à l’éradication de cette
pratique.
De même, au Bénin, l’existence d’une institution visant l’éradication
du travail des enfants et l’existence d’une législation criminalisant ce phénomène
ont eu peu d’effet. Une des raisons de ce manque d’efficacité suggérée est que
les 126 inspecteurs du travail s’intéressent seulement au secteur formel alors
que l’institution du Vudusi a surtout lieu dans le secteur informel. La
création d’un Office Central pour la Protection des Mineurs (OCPM) s’inscrit
ainsi dans le cadre de la lutte contre le travail des enfants par le gouvernement
béninois. Mais le manque d’une vision à long terme qui prendrait en compte
le bien-être de ces enfants vulnérables
diminue encore plus l’impact positif de ces mesures.
Des tendances sont apparentes dans cet
Indice. L’esclavage apparaît plus comme un trait culturel dans les pays où il
se passe, et peut ne pas être considéré comme tel par les victimes et les
coupables.
De plus, les femmes sont les plus touchées par cette
institution. Elles sont disproportionnellement représentées au sein des
populations en état de servitude. Une explication avancée est qu’elles sont
souvent dans la sphère domestique de leurs maitres qui sont bien souvent dans
des zones reculées, et difficilement atteignables par la justice de leurs
états.
Sans l’accès à l’éducation et à des voies alternatives pour
subvenir à leurs besoins, beaucoup parmi ces populations pensent que c’est la
volonté de Dieu qu’elles soient dans l’état de servitude. En Mauritanie, comme
la majeure partie de la population servile est maintenue dans cet état d’analphabétisme,
ces populations ignorent souvent que selon la loi islamique, un musulman ne peut
pas réduire à l’esclavage un autre musulman. Le manque d’éducation est ainsi un
moyen pour perpétuer ces pratiques.
Les conflits, la pauvreté extrême, les forts taux de
corruption et l’impact de l’exploitation des ressources naturelles pour
approvisionner les marchés internationaux sont autant de facteurs qui augmentent
les risques d’asservissement dans plusieurs pays africains. Comme susmentionné, l’existence de lois
punissant l’esclavage a eu peu d’effet sur la disparition de cette institution.
Sa perpétuation est principalement due à un manque d’unité d’exécution de ces
lois. La volonté politique sera ainsi déterminante pour la disparition de ces
pratiques.